Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/217

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de paix, puissant comme un cataclysme et doux comme un jour de printemps, venait en masse au chef de la nation. Il ne demandait pas la guerre, mais du pain, du charbon, une parcelle du patrimoine de sa race. Il ne faisait pas une prière ; il exposait ses volontés, impérieuses mais calmes. Ses volontés, c’étaient le retrait des décrets homicides, la suppression des tarifs douaniers. « On verra, s’écriait l’adolescent, trente mille hommes silencieux, désarmés, défiler en ordre sous les fenêtres royales. L’humanité en appelle à un homme. Cet homme est Wolfran V. L’humanité attend son verdict. »

— Rien ! murmura Clara d’une voix sourde, je ne savais rien.

Elle se redressa, revint aux fenêtres. La procession s’avançait avec une lenteur calculée, sans un cri ; le piétinement seul de tant d’êtres marchant en cadence composait un grondement formidable. Au moment où Kosor mettait le pied sur la place, l’innombrable armée répandue sur le faubourg le couvrait toujours, se perdant là-bas à l’horizon. Ismaël allait tête nue. On le vit lever les yeux vers le palais, et il s’avança, nerveux, le visage creusé, ses boucles noires dansantes sur son front blême.

Clara, droite comme une statue, le regardait, impassible derrière la vitre.

Alors les tisseurs apparurent dans leur dénuement. Ils portaient leurs vêtements de travail,