Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/235

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— Pauvre ami ! dit-elle, saisie de pitié, pauvre ami !…

Le compagnon de son enfance, le frère qui avait embelli d’une si forte tendresse ses premières années, l’homme silencieux et passionné dont l’amour dorait aujourd’hui sa glorieuse jeunesse comme un astre lointain dont on ressent la bienfaisante chaleur, était là devant ses yeux, pauvre, banni, traqué comme une bête. Les cités le repoussaient, les lois l’accablaient, la société le vomissait, il n’était plus qu’un vaincu ; ses hardiesses du matin avaient abouti à un massacre, et l’on voyait encore du sang couleur d’encre sur ses vêtements en désordre. Il subissait la honte de l’échec et celle de la réprobation. Clara le serra contre son cœur en pleurant.

— Tu ne seras pas pris, murmura-t-elle, je viens te sauver.

— Comment le pourrais-tu : la maison est cernée, la fuite est impossible.

— Viens, lui dit-elle, viens avec moi, j’ai obtenu…

— Quoi, interrompit-il, les yeux caves, béants, et un tremblement aux membres, nous fuyons tous deux ? Tu veux ? Tu es venue me prendre ?

Et comme devenu fou soudain, avec un rire de bonheur suprême qui transfigurait le farouche meneur en une apparition de la béatitude humaine :

— Nous partons tous les deux ? Tu vas être ma