Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/236

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femme enfin, tu m’aimes assez pour cela ? Où m’emmènes-tu ? Non, je ne veux pas le savoir, que ce soit au bout du monde ou dans le désert que m’importe… Je ne suis qu’un homme à la fin. Ah ! comme nous nous aimerons !

Clara sentit une telle force dans cet appel, que prise de peur, elle se rejeta en arrière comme à l’aspect d’un abîme. Non, non, elle ne voulait pas ! L’illusion du malheureux l’irrita au lieu de la toucher ; elle le détrompa vite avec une sorte de plaisir qui démentait sa bonté coutumière.

— À quoi songes-tu ? Puis-je quitter Oldsburg ? Je te dis que j’ai obtenu la faveur d’une dernière entrevue avec toi, et que ton arrestation soit retardée d’une heure. Pendant ce délai, je t’emmène dans ma voiture jusqu’à la gare, tu prends le train de Berlin, demain tu seras loin de la Lithuanie, en sûreté.

Il la regardait, hébété. Il dit :

— Tout seul ?… À quoi bon ?

— Si tu demeurais ici une demi-heure encore, demain ce serait le cachot, les fers et la longue captivité. Le gouvernement paraît disposé aux pires représailles, mon ami, mon pauvre ami !

— Le gouvernement, dit-il, je le méprise ; le roi n’est qu’un assassin. Ah ! si tu avais vu comme moi nos frères tomber sous les balles de sa garde ! Des femmes foudroyées, un projectile dans la gorge, et qui ne pouvaient pas mourir…