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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/239

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brûlait d’une fièvre étrange. Quand les feux qui, chaque soir, illuminaient la façade de la gare, apparurent, Ismaël saisit Clara, l’étreignit désespérément dans l’ombre de la voiture. Il ne dit qu’un mot :

— Te reverrai-je ?

— Mais oui ! fit-elle en se dégageant.

Elle courut prendre son billet. Des sifflets retentirent. Ils se serrèrent la main en silence. Un flot de voyageurs passait, Kosor s’y mêla. Un moment encore, Clara put suivre des yeux la tête aux boucles noires, trop grosse pour les épaules grêles ; puis elle cessa de voir le fugitif : il avait gagné la voie.

Une impression d’allègement, de délivrance envahit Clara. Elle voulut se l’expliquer en murmurant : « Enfin, il est sauvé ! »

Comme elle franchissait le portique de la gare, un sourd grondement l’avertit que le train partait. Son allégresse redoubla, une allégresse obscure qu’elle attribuait, par illusion, au service qu’elle venait de rendre à son frère d’adoption. Cependant, elle renvoya sa voiture et voulut regagner le palais à pied.

La ville se ressentait encore de la convulsion du matin. Toutes les boutiques étaient closes comme au soir d’une fête, mais par endroits des arbres avaient été saccagés, et les chaussées demeuraient désertes. De temps à autre une patrouille de gardes à cheval dont les manteaux