Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/264

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n’était qu’une adolescente et l’on doutait qu’elle atteignit même tout l’éclat de la jeunesse…

Il dut s’arrêter un moment, fit un effort et poursuivit :

— Et l’héritier du trône était le jeune amoureux de la princesse, né de la souche royale. Mais la grâce, les talents et tout l’esprit qu’il possédait et qui le rendaient le plus aimable des princes, eussent fait de lui un roi détestable. Ses conceptions légères et nuageuses étaient celles d’un imagier plein de rêves, et la tendresse excessive de son cœur le rendait incapable d’appliquer la justice. Le royaume eût périclité entre ses mains. Ainsi, au bonheur de ces deux enfants était lié le malheur d’un peuple. Le roi le savait, mais sa fille lui était si chère qu’il hésita bien des jours avant de la briser.

L’homme qui se jouait ainsi de sa peine dans un artifice de paroles, Clara le voyait souffrir si cruellement qu’elle ne retenait qu’avec effort des mots de pitié féminine. Combien elle eût voulu lui dire… Ah ! savait-elle même ce qu’elle eût dit ?… Cependant il continuait :

— Le bonheur du peuple a d’étranges exigences. Il voulait que ce prince charmant fût écarté du trône. Il fallait pour cela que, dans sa courte vie, l’archiduchesse eût le temps de donner naissance à l’enfant d’un autre époux. On l’unit donc à l’homme le plus sage du royaume, le mieux fait pour exercer une régence féconde, le