Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des hauts quartiers. La honte d’obéir au prince y était présentée avec fougue à tous les chapitres, et la monarchie ne pouvait être décriée, honnie, condamnée en termes plus vifs qu’elle ne l’était là. Clara n’ouvrit pas froidement ce livre. C’était le catéchisme préféré de son père adoptif, pour qui la publication de ce pamphlet avait été une joie profonde. On le lui avait attribué ; mais lui-même en ignorait l’auteur anonyme, qu’il aimait d’instinct, comme le fils de son esprit. Que de souvenirs en ces pages jaunies ! Clara croyait y voir errer encore les doigts ivoirins du vieillard. Tel passage, à force d’être feuilleté, avait pris un ton de parchemin vétuste, et une odeur ancienne de la pipe de bois que fumait le meneur s’en dégageait finement.

Clara relut le petit livre en y relevant mille exagérations qu’elle n’avait point senties jusque-là. Mais elle était femme, et les impressions violentes qui l’assaillirent, rien qu’au contact matériel de ces feuillets, agirent plus en elle qu’un argument. Elle aurait beau faire, c’est à l’Union qu’elle appartenait. On n’échappe jamais à la religion qui vous a pétri l’âme, elle se sentait toujours de la religion humanitaire dont le vieux Kosor avait été le patriarche.

À ce moment, toute cabrée contre l’emprise royale, elle aurait eu des chances d’échapper par un éclat à la domination de Wolfran, si celui-ci eût continué la guerre intellectuelle insinuante et