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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/275

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Clara, en secret, admirait ce sens français des choses de l’amour qui permettait à cette vieille femme rigoureuse, toujours hésitante par ailleurs et actuellement recrue de peine sentimentale, un programme si précis et un tel esprit de décision. Favoriser une dernière scène d’amour, n’était-ce pas de quoi exalter cette vieille imagination de Parisienne romanesque ?

Le laboratoire de la tourelle fut choisi pour le lieu du rendez-vous. Les trois femmes l’élurent d’instinct, comme le théâtre le plus noble, le plus pur, et qui corrigeait par son aspect même, dépourvu d’intimité, le côté mystérieux et suspect de leur innocente manigance.

Clara commença d’y attendre le prince. II devait venir comme à l’improviste. Elle resta donc revêtue de sa blouse d’expérience. La pensée des deux douleurs dont elle allait être le témoin l’oppressait un peu. Elle, si peu nerveuse d’ordinaire, brisa une éprouvette pleine d’un acide qui se répandit sur sa blouse, et le peu d’intérêt que lui offrait une électrolyse commencée la détermina à cesser tout travail. D’ailleurs la porte s’ouvrit brusquement, on entrait sans même frapper : c’était le prince, ardent, haletant et blême, n’ayant qu’à demi compris l’appel qu’on lui lançait, et qui arrivait éperdu, presque fou. Il avait mené sa machine à une allure scandaleuse. Des gouttes de sueur perlaient à son joli front blanc. Il saisit les mains de Clara, et tout suffoqué demanda :