Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/280

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prince. Il était pâle et défait et subissait une torture. Il murmurait :

— Je ne peux pas m’en aller, j’aime mieux mourir.

C’était pitié de les voir si douloureusement enlacés dans le désespoir, animés d’une énergie mensongère, feignant la lutte, mais vaincus d’avance. Un instinct les avait poussés à demander l’appui de la libertaire, celle qui défendait si hautement naguère les droits individuels. Mais Clara, déchirée d’incertitude et que ce spectacle. navrait, n’osait plus aujourd’hui chanter l’hymne des libertés. La scène affreuse qui se jouait devant elle lui semblait se passer dans une région supérieure où elle n’avait pas le droit d’accéder. Deux enfants s’aimaient sous ses yeux : mais leur amour avait une portée si lointaine, tant d’événements dépendaient de leur union, qu’une épouvante sacrée lui venait de les donner l’un à l’autre. D’ailleurs, qu’eût-elle pu faire ? Est-ce que la volonté sereine qui les désunissait n’était point là ? Pouvait-elle en contrarier les mystérieux conseils ?

Elle s’approcha d’eux, mais ne sut que leur dire ; et, quand ils la virent là, ils la supplièrent de nouveau.

— Le sacrifice qu’on nous demande excède nos forces ; de toute notre âme, nous sommes mariés ; on ne peut nous séparer. Voyons, c’est trop cruel ; oui, c’est trop cruel.