Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/281

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Alors, elle fut obsédée par une idée qui la posséda bientôt entièrement. Les deux jeunes gens la virent se retirer dans la pièce contiguë qui était son cabinet de travail. Ils ne prirent point garde à son absence. Très exaltés l’un et l’autre, ils échangeaient les propos de leur folie. Wanda, dure et passionnée tout à coup, avait saisi la tête fine et légère de son prince dont elle baisait les cheveux en disant :

— Et pourquoi ne serais-tu pas roi ? Je ne connais pas d’esprit plus subtil et plus vaste que le tien ; n’est-ce point une intelligence comme la tienne qui sauvera le pays en le devinant, en le satisfaisant ?

Lui, répondait :

— Non, je ne veux pas du trône, malgré ton père. Mais nous ne sommes plus que deux êtres qui s’aiment. Qu’on nous laisse en paix, quand nous devrions vivre de mon travail,

Wanda l’admirait en silence ; puis tout à coup extasiée, ses yeux changeants reprenant leur douceur excessive :

— Je te trouve grand, mon Géo… Je voudrais que tu fusses le maître du monde…

Et ils souriaient puérilement, oubliant une seconde, à se considérer ainsi, la tristesse de l’heure. Ils ne se souciaient plus de Clara, ni du roi, ni de la Lithuanie. Ils en étaient arrivés à cette phase béatifique de l’amour, où tout s’évanouit, où deux êtres qui s’aiment sont seuls, tête-à-tête, dans le paradis de l’univers.