Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/287

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reuses, et il faut devenir un être d’exception, sentir comme si l’on n’était pas le fils d’une femme, agir comme on n’a jamais pensé jusqu’à vingt ans. Ah ! quelle crise curieuse et comme un psychologue trouverait là matière à étude… Je vous conterai cela un jour… Pour moi, je dois beaucoup à monseigneur d’Oldany. Il fut un grand médecin moral. Celui là est né homme d’État… Il y a de ces anomalies. Je veux vous apprendre à vous montrer moins sévère à l’endroit de l’action gouvernementale…

Alors Clara prenait cette pose docile et recueillie de la femme qui écoute en admirant. Son grave et noble visage s’imprégnait de contentement ; ses mains paisibles se nouaient à son genou, sa robe noire l’enserrait de plis immobiles. Et le roi poursuivait :

— L’humanité n’est point ce que les humanitaires disent ; vous êtes des poètes qui en faites une floraison de beauté. Au demeurant, les vices rampent dans sa masse, les passions y fermentent, le désordre semble son état naturel. Convenez que les hommes, en général, sont menteurs, haineux, sanguinaires, férocement ambitieux, envieux, voleurs, meurtriers. Les âmes supérieures comme vous peuvent difficilement concevoir ce que la conscience humaine vulgaire peut élaborer de conseils injustes, perfides, criminels, et ce que la nation a de forces mauvaises pour assouvir ses convoitises. Et quand on envisage la malice des désirs