Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/297

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— Il faut l’oublier, dit Wolfran.

Elle n’essayait pas de se révolter, elle tâchait d’obéir servilement. Wolfran ne l’avait jamais tant dominée que ce soir en venant ainsi chez elle, bien moins en ami qu’en maître. Elle éprouvait à le recevoir une douceur qu’elle discernait mal, mais qui la poussait constamment à craindre qu’il n’abrégeât sa visite. Elle s’efforçait inconsciemment à le retenir, à prolonger indéfiniment une suite de propos qui lui broyaient le cœur et en même temps la comblaient de délice.

— Il ne faut aimer que l’ordre, mademoiselle Hersberg, reprit le roi.

Alors elle jeta un regard désespéré au père de son âme dont il lui semblait que le portrait, à cette heure tragique, la rappelait et la suppliait, et sa main s’agrippa d’instinct au petit livre du Servage qui demeurait toujours là, près de l’écritoire, comme le monument toujours cher de la foi ancienne. Mais Wolfran, l’attention brusquement attirée par ce geste, demanda d’un ton vif :

— Quel est ce livre !

Elle avait trop de fierté pour ne pas se glorifier, même actuellement, d’une chose de tant de prix moral, et, se rappelant les prohibitions impitoyables dont le volume avait été l’objet, elle dit néanmoins :

— Sire, c’est pour moi le plus vif souvenir de mon maître. Il admirait cette œuvre qu’il appelait son bréviaire. Il l’a tant lu… Voyez…