Aller au contenu

Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ismaël dans cet homme à longue barbe, défait, vieilli, émacié, pauvrement vêtu ; mais quand leurs yeux se furent pénétrés, malgré tous les sentiments contraires qui lui rendaient si importun le retour du meneur, elle n’éprouva plus que de la douceur et de la pitié, tant il lui parut triste.

— Tu vois, lui dit-il, je suis revenu quand même.

Et elle, lui prenant la main :

— Oh ! pauvre, pauvre ami !

Elle s’imagina qu’on les observait et l’entraîna, par une porte latérale, vers une ruelle obscure qui serpentait le long de l’abside et de l’archevêché. On n’y voyait pas une âme. D’autres rues perpendiculaires descendaient au fleuve. Kosor se laissa faire. La nuit était venue tous deux cheminaient côte à côte dans le quartier désert.

Chose étrange, cet idéologue à la philosophie dépréciée, ce créateur d’énergie aux mains liées ce meneur vaincu n’était point rapetissé par la défaite. Bien plus, il semblait grandi sur les cendres de son parti. Une flamme, qui n’était point visible lors du grand soleil de l’Union, transparaissait en lui, maintenant que la nuit s’était faite. Quand toutes les autres lumières s’étaient éteintes, ce feu brûlait toujours, montait, dévorait l’être physique du rêveur, répandait une chaleur spirituelle impressionnante.

— Tu me croyais abattu, découragé, disait-il,