Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/313

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demeuraient dans l’ombre : Kosor reprit la main de Clara sans voir la colère qui contractait son beau visage.

— Écoute, mon amie, je t’aime comme un homme n’a jamais aimé une femme, mais j’obéis à une telle puissance, et qui va toujours me poussant si impérieusement, que je ne m’appartiens plus. Non, pour te recevoir enfin dans mes bras, fût-ce dans l’instant même, je ne renoncerais pas au devoir qui m’est dévolu. Tu entends, même si tu te promettais à moi pour cette nuit… même si en ce moment…

Et il exhala un souffle qui ressemblait au soupir du cheval arrêté devant un précipice. Elle sentit le froid de ses mains glacées à travers la peau du gant.

Il murmura en détournant la tête :

— Oh ! te perdre, pourtant… et pour notre pire ennemi.

Elle comprit qu’elle n’avait plus prise sur cet homme ; que l’amitié, le souvenir, la tendresse, même le désir qu’il avait d’elle, tout était en lui submergé par l’idée fixe. Alors elle eut un instant d’affolement. Wolfran était condamné. D’où lui venait cette frénésie de le sauver, de lui faire un rempart d’elle-même comme une mère qui défend son fils ? Oui, son instinct était ceci : qu’on prît la substance même de son être pour environner, préserver, conserver cette vie incomparable ! Et cette obscure tendance à s’immoler, elle s’en rendait compte exactement, c’était le plus vif mou-