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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/318

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Et comme sans connaître les projets régicides de Kosor, tous ici entretenaient un tourment pareil à celui de Clara, il se trouvait qu’on parlait souvent d’attentat. Alors ses oreilles bourdonnaient, le cœur lui battait, elle gardait le silence en écoutant avidement des propos qui donnaient à ses imaginations une consistance cruelle. Le roi, lui, s’égayait. Elle dit un jour :

— Il ne faut pas plaisanter, sire, Votre Majesté est très menacée.

— Je suis de l’avis de mademoiselle Hersberg, s’écria la reine, on peut être brave, certes, mais je trouve, Wolfran, que vous envisagez trop légèrement la perspective d’une mort si affreuse et le malheur de ceux qui vous aiment.

Ces paroles provoquèrent en Clara une grande commotion. Le roi répondit qu’il ne se déciderait pas, pour un péril éventuel, à faire toute une vie de prison préventive. Mais Clara, qui le considérait avec le sourire d’une femme endormie, écoutait en elle-même l’écho de ce nom, Wolfran, que lui avait donné la reine. Ce nom qu’écrivaient tous les journaux d’Europe, ce nom inscrit sur les pièces de monnaie, sur les édifices, au bas des édits, ce nom qui remplissait le pays, que tous prononçaient avec haine ou respect, elle l’entendait pour la première fois donné dans l’intimité, par une épouse anxieuse, à l’homme et non au roi. Ce n’était plus « Sa Majesté », la personnalité auguste, le symbole du pouvoir,