Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

subi, moi libertaire, moi qui savais le mal de l’inégalité sociale dont il est la clef de voûte ; je me suis abandonnée à l’ivresse de cette idolâtrie et je frémissais en sa présence, parce qu’au lieu de détester sa gloire, je la chérissais comme je chérissais tout ce qui émanait de lui. »

Alors elle se remémorait leurs entretiens où les arguments royalistes, à peine énoncés par Wolfran, l’éblouissaient soudain au point que nulle objection ne se présentait plus à son esprit. Non, elle n’avait jamais été convaincue, mais il l’avait dominée comme tout homme asservit la femme qui l’aime. Jamais son esprit n’avait cédé ; mais son cœur avait eu toutes les docilités de l’amour.

« Pourtant je n’en rougis pas, se disait-elle, triomphante. Qu’importe si sa philosophie m’a leurrée ! Il était digne d’un amour absolu ! »

Puis aussitôt elle se souvenait de la menace d’Ismaël : « Il mourra, tu sais ! »

Son impuissance la torturait. Que pouvait-elle faire ? Comment désarmer cet homme déjà sorti de la vie, selon sa propre expression, et que nulle parole humaine n’atteignait plus ? Ah ! qu’elle aurait voulu l’enchaîner, le garrotter, le réduire à rien…

Elle arrivait en vue du palais royal ; à l’aspect de cette façade, un frisson la glaça de la tête aux pieds. Et elle songeait : « Sa vie est entre mes mains ; si je me tais, il mourra… Où est le devoir ?… »