Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/52

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ans. Inconsciemment, la forte Clara qui avait fait seule sa vie, attendait de lui le soutien que la plus vaillante femme souhaite, d’instinct. D’ailleurs, peu tournée aux songeries, elle voyait en lui, avec un grand calme, le compagnon futur auquel les vœux de son père l’avaient destinée. Mais l’homme qui revint alors n’avait plus l’armature morale qui avait fait jusqu’ici sa haute stature philosophique : l’influence du grand vieillard. Abandonné à lui-même, le rêve plus que la pensée le dominait ; il ne possédait plus cette belle santé spirituelle qui peut se rencontrer chez les apôtres des doctrines les plus diverses. Le régime de la détention avait en outre ruiné son être physique. Son existence semblait une succession d’impressions nerveuses et violentes. Quand ils s’étreignirent, Clara l’accueilli comme un frère blessé.

Elle était déjà chargée de cours à l’académie d’Oldsburg. Elle y dirigeait le laboratoire de chimie expérimentale. Sa situation était assurée, presque brillante, tandis que, réfractaire à tout classicisme, suivant jusque dans la science sa fantaisie, concevant la chimie comme un art, Ismaël était encore à trente-cinq ans dans l’incapacité de gagner sa vie. Son nom, ses condamnations lui fermaient la porte des laboratoires industriels. Alors il se glorifia d’apprendre un métier manuel et se fit cordonnier.

Il avait soif de Clara ; son amour le consumait ;