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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/68

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Adossé contre la table, il ne répondit que par un geste qui indiquait la lassitude et le désespoir. Clara, qui le connaissait si verbeux quand il s’agissait d’une idée précieusement caressée, attendait qu’il parlât de sa genèse de l’or. Mais il gardait un absolu silence. On n’entendait que le ronflement sourd de la lampe, — un appareil compliqué qu’il avait passé des mois à construire lui-même, alors que pour deux marks, au bazar, il aurait eu un système d’éclairage plus commode. — Soudain, en levant les yeux sur le pâle visage situé à contre-jour, Clara y vit briller deux larmes qui roulaient dans la petite barbe noire ; les prunelles demeuraient fixes et vagues, la bouche exprimait une douleur infinie.

— Oh ! Ismaël, s’écria-t-elle, qu’as-tu ? Qu’est-il arrivé ?

Elle fit un pas vers lui. Mais lui retenant ses pleurs et tragique :

— Rien, rien ne s’est produit. Toute l’école était là, à m’épier. Ils m’ont bafoué !

Le mot se changea en un sanglot rauque, et l’homme s’abattit la face sur sa table. Clara voyait son maigre corps que l’idée comme un cancer rongeait, tout secoué de spasmes. Alors elle comprit l’indicible échec, l’effondrement, l’anéantissement de l’être qui avait rêvé la plus formidable action humaine, la transformation du monde économique, qui en croyait tenir tous les fils et qui devait, en fin de tout, convenir de son