Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/69

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impuissance, comme les autres. Il pleurait son rêve ; il avait escompté l’instauration du bonheur et de la douceur universelle, et c’était son cœur embrasé qui saignait.

Clara, blême de pitié, laissait aussi couler ses larmes. Bientôt il se redressa, aiguillonné par un ressaut de son désir d’inventeur :

— Et pourtant je l’avais vu, l’or, impalpable, luisant au fond du creuset ; il avait adhéré à mes doigts. Il avait rayonné parmi le cristal du chlorure. Est-ce que le phénomène n’aurait pas dû se reproduire mathématiquement, chaque fois que je répétais l’expérience ? Qui sait si, un jour plus tard, l’or ne serait pas apparu ? que dis-je un jour, une heure, peut-être une minute ! connaît-on les forces que l’on dirige quand on tient les fils du courant ? Oui, qui dira jamais si je n’ai pas brisé mes piles à la veille du triomphe ! La molécule d’or était peut-être en formation, prête à naître — et eux, ils me mesuraient le temps, ces scoliastes ; ils me répétaient : « Encore huit jours… encore trois… encore un, et il faudra y renoncer… ». On me traitait en pauvre homme à mesure que le terme approchait. Alors, oui, Clara, je te l’avoue, j’ai connu la fureur de la destruction, j’ai tout brisé et maintenant on me croit fou !

Elle lui caressait le front, maternellement.

— Pauvre ami ! répétait-elle, pauvre ami !

— Pourquoi lutter toujours si je dois échouer toujours ? J’ai soif du bonheur des hommes, je