Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

eût disparu dans les ténèbres ; quand ils s’entreregardèrent, tous deux pleuraient.

— L’œuvre est grande, soupira Kosor, ce n’est pas trop de donner toute sa vie pour elle.

Pendant longtemps encore, ils errèrent dans le faubourg, arpentant les rues, écoutant ce qui leur semblait être le colossal soupir de la fatigue humaine. À la fin, Clara le sentant maître de lui, lui conta, comme ils s’en revenaient vers la ville, la visite de l’émissaire royal, et la proposition de Wolfran. À vrai dire, depuis trois jours, l’épisode avait dans son imagination perdu la vivacité première. C’était devenu un souvenir sans importance et qui se classait déjà parmi les choses à oublier. Il y avait eu là pour elle, au premier moment, le trouble de la surprise. Mais l’étonnement s’était émoussé ; on disait le roi plein de fantaisies inattendues ; elle avait fait les frais d’un de ces caprices royaux. Elle ne pouvait, attribuant si peu de grandeur à la personne du prince, en attacher à sa distinction. Très simplement elle répétait les paroles du courtisan, et le refus qu’elle entendait opposer au désir de Wolfran lui semblait si naturel et nécessaire, qu’elle oubliait même de l’exprimer. Tous deux, à ce moment, franchissaient le pont. Oldsburg, baignée de la lumière lunaire, s’offrait à eux, étagée dans sa pente douce jusqu’aux jardins de la ville haute. Les toits s’argentaient. L’avenue de la Reine s’éployait majestueusement. Au bout, le