Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/90

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Là commença la fuite des salles traversées, entrevues dans la lueur grise d’un matin de décembre. Des chambres s’ouvraient, à droite, sur une cour intérieure. À gauche, des fenêtres à vitraux plombés laissaient apercevoir l’Hôtel des Sciences. Clara regrettait d’être venue. Elle se rappelait son bon maître, ce qu’il avait enduré du pouvoir, ce qu’il lui avait rendu de haine. Toute son éducation libertaire se retrouvait intacte. Comment, docile aux suggestions d’Ismaël, avait-elle accepté ce parti ? Elle aurait voulu reculer, mais il était trop tard, le palais l’aspirait, la buvait !

— Si madame veut s’asseoir, dit le laquais.

Elle était dans le cabinet du comte Thaven. Bientôt le chef de la maison civile entra. La paupière lourde et fripée, la moustache blanche tombante, le torse bombé dans le veston matinal, il s’inclina, maussade et courtois à la fois, devant la jeune femme. La silhouette puissante s’enlevait entre la mappemonde bleuâtre posée sur son bureau, et la bibliothèque composée d’antiques manuscrits à dos de parchemin qu’il collectionnait activement. Clara, si simple et modeste lors de ses triomphes, trouva aujourd’hui cette introduction humiliante. On aurait dit l’embauchage d’une subalterne. Le vieux courtisan lui demanda tout net si elle voulait être conduite sur le champ à son appartement. Il s’informa même de ses bagages. Mais elle, raidie d’orgueil devant l’hostilité du milieu, déclara :