Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/94

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rentra dans l’appartement, visita sa chambre, toute tendue d’un vieux damas vert-pomme usagé, flétri et charmant. Mais elle n’aima ni le baldaquin, ni les courtines, ni le tapis épais, ni la mollesse des sièges, ni le flottant, l’indécision des murailles en tapisserie, ni le gracieux du meuble, ni cette tendre nuance, éteinte et voluptueuse. Elle aurait voulu la nudité de la pierre sculptée, la gravité de chaises en bois blanc rangées autour d’une table brute. Austère, rude à elle-même, elle méprisait le luxe et jusqu’à l’élégance de la vie usuelle comme une offense aux misérables. Elle laissait la nuit, en plein hiver, sa fenêtre ouverte au vent du nord, et se plaisait. par macération, à recevoir jusque sur son lit les flocons de cette neige lithuanienne si fine et si glaciale. Et quand elle entra dans le cabinet de toilette, meublé de tous les appareils d’une hydrothérapie raffinée, elle se rappela sa petite maison blanche des hauts quartiers où elle devait casser la glace dans les brocs, chaque matin des jours de grand froid, pour l’ablution du réveil.

Le petit salon la séduisit encore moins avec ses meubles français du xviiie siècle, ses tentures de perse à fond blanc, les médaillons dorés des fauteuils, le tapis gris-perle, la pendule ornée d’amours en Saxe. Là-bas, elle s’en était toujours tenue au parloir du vieux Kosor : la grande salle du rez-de-chaussée carrelée, sans feu, meublée d’une énorme table et de douze