Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/20

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— Ah ! c’est la fameuse Ninette ? dirent ensemble les deux amies.

Et, du coin de l’œil, elles la dévisageaient curieusement.

— Mais c’est qu’elle a l’air très gentil, dit madame Nassal. Pourquoi n’est-elle pas restée honnête, cette petite ?

— Elle était marquée pour le vice, déclara Cyprien Loche.

— Pourquoi elle n’est pas restée honnête, pourquoi ? dit Augustin Muzard ; vous en êtes encore à vous demander cela, vous tous ?

Il caressa de la main sa barbiche rousse ; dans son pâle visage, bilieux et maladif, ses yeux noirs, sans cesse changeants, tantôt moqueurs, tantôt inquisiteurs, tantôt emplis d’une mélancolie profonde, prirent une ardeur concentrée, et, cambré sur sa chaise, le regard fixé sur l’œuf électrique inondant de lumière la terrasse, il dit de sa voix métallique :

— Ninette est devenue ce que vous voyez, parce qu’elle a adoré l’idole que vous adorez tous. Vous vous traîneriez à genoux, vous vous traîneriez à plat ventre dans la poussière pour séduire l’Argent, pour attirer sur vous ses faveurs. Ninette a pris un chemin, vous en avez pris d’autres ; mais vous allez tous au même but qui vous fascine l’Argent. Il a hypnotisé Nassal et sa femme qui pouvaient vivre tranquillement d’une situation petite, mais sûre, et qui se précipitent