Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/25

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— Adoration, le mot n’est pas trop gros. Il est bon. Il faut adorer l’argent sans le comprendre, sans essayer d’en sonder le mystère. Constatons seulement et courbons la tête. Ses bienfaits sont partout et il n’y a de souffrance que là d’où il se retire. Voyez l’œuvre du capital : les pays défrichés, la distance abolie, la douceur de vivre répandue, et, grâce aux échanges, l’existence ornée, la beauté produite, multipliée partout. Ah ! l’argent ! l’argent !

Et il balançait la tête, lentement, comme un encensoir devant un dieu.

— Divin ? l’argent, divin ? reprit Muzard ; bienfaisant, l’argent ? ah ! ah ! Mais il est venimeux, il pourrit tout. Il n’a qu’à se glisser entre deux affections pour les gâter. Il est l’ennemi de l’amitié contre laquelle il lutte et qu’il terrasse toujours ; il sert de ciment à la famille, dit-on, mais il la désagrège à la fin. Il tue éternellement ce qu’il y a de plus pur dans l’humanité, le désintéressement. Il corrompt les individus, il corrompt les familles, il corrompt les œuvres, il corrompt les institutions, il corrompt les races. Tout ce qui est fait avec son concours croule, car c’est un faux dieu, et tout ce qui a été fait de vraiment grand a été fait sans lui. Et si ce qui a été fait de grand pactise avec lui, c’est la dégénérescence, le poison, la ruine. Ainsi, quand j’entends des hommes dire en se rengorgeant : « La France est riche ! » je pense : « Malheureux, au moins ne le