Page:Yver - Les Cervelines.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gravirent à pas de loup un escalier, datant de l’époque où cet hôtel était un monastère, et dans la demi-obscurité que laissait un bec de gaz unique, Tisserel, au second étage, ouvrit une porte étroite.

Dans une clarté puissante venue des quatre lustres, la salle descendait de gradin en gradin, jusqu’à la chaire du maître, en bas, où derrière, comme un rideau, était abaissé le tableau noir. Les gradins étaient remplis d’une foule ; on voyait les chapeaux immobiles des femmes, les têtes d’hommes découvertes, penchées, tendues vers l’avant : têtes de vieillards, d’hommes jeunes, d’adolescents, toutes emportées dans une attention passionnée, comme au théâtre, lorsque joue une actrice très chère.

Ce ne fut qu’au second coup d’œil que Tisserel et son ami virent Me Rhonans. Elle était habillée d’une robe de drap noir, finement gantée jusqu’au coude de gants noirs aussi qui cachaient, lorsqu’elle levait les mains en parlant, leur petitesse extrême ; et sous sa coiffure lourde de méridionale, sombre et savante, se voyait son lumineux visage pâli par les lustres. Elle était debout, allant et venant en menus circuits, ni pédante, ni théâtrale, souriante parfois des lèvres, de ses clairs yeux confiants levés sur l’assistance ; parfois aussi, pour inscrire une date à la craie, elle se tournait vers le tableau, et il se dessinait alors sur le noir de ce fond une forme noire adorable. Sa robe était si bien faite, ses cheveux si beaux, sa nuque si blanche, son geste si précieux qu’un mouvement courait imperceptiblement l’auditoire, dont, Cécile le voyait,