Page:Yver - Les Cervelines.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tandis que du fleuve, qu’accusait dans l’ombre la mâture estompée des bateaux de fort tonnage. venait l’odeur de l’eau.

Les deux hommes, pour abréger, laissèrent de trottoir encombré et s’enfoncèrent dans la rue Grand-Pont, au haut de laquelle s’élève, comme une montagne sculptée, la cathédrale. Un air chaud vous soufflait au visage ; des bavardages venaient des maisons aux fenêtres ouvertes ; la ville était sonore et palpitante dans cette capiteuse nuit de juillet, on y sentait vibrer la vie.

Et soudain, Jean Cécile fut pris d’une fringale de bonheur. La soirée chez les Tisserel l’avait attristé, avait comme excédé sa faculté de porter incessamment son âme dans les horizons mornes. Cette pauvre petite Henriette, amoureuse de lui, frappée à demi, poitrinaire déjà, faite pour mourir sans doute avant d’avoir goûté aux choses dont elle semblait toujours rêver, c’était la destinée la plus navrante qu’il eût vue, la plus conforme aussi, dans sa fatale cruauté, à son jugement porté sur la vie. Mais c’était le point culminant de ce qu’il avait imaginé de triste. Maintenant, c’était pour lui la satiété. Il se sentait jeune, il voulait jouir, quitte à jeter par-dessus bord l’affligeant souvenir d’Henriette.

Ils traversèrent la place du Parvis, la rue aux Juifs, puis le gothique Palais de Justice aux pâles sculptures blanches dans la nuit, et ils arrivèrent à l’Hôtel des Sciences.

Au dehors, les grandes baies illuminées du petit amphithéâtre de droite leur indiquaient leur chemin dans l’intérieur du bâtiment. Ils