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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/101

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elle était l’idole. Tous ces yeux la dévoraient, suivaient les mots de ses lèvres, les douceurs changeantes de ses prunelles, les grâces de sa personne bougeante. Elle les séduisait tous, et Jean Cécile, qui était venu pour railler cette femme savante, en fut impressionné. On ne raille pas les femmes très aimées.

Sa voix, qu’elle devait forcer un peu pour être bien comprise partout, était d’un timbre bas, avec des réminiscences de l’accent languedocien, qui la ponctuaient de minute en minute d’une pointe de piquant. Elle disait : « Les gran-des da-mes romaines » et parlait de péplum « couleur de vi-o-let-te », ce qui avait quelque chose d’indéfinissable et de charmant. Sur la grande table, devant elle, une masse d’étoffes aux nuances variées était jetée ; Cécile et Tisserel venaient d’arriver et de trouver une place en assourdissant le bruit de leurs pas, quand elle prononça :

— Je vais maintenant reconstituer quelques draperies dont j’ai pu étudier la façon.

Et quand Tisserel, curieux, eut suivi la direction du regard et du sourire qui accompagnaient cette phrase, il rencontra les fortes épaules cambrées et l’éclatante chevelure coiffée du petit canotier de Jeanne Bœrk. C’était pour elle qu’il était venu ; il calcula qu’ils pourraient sortir ensemble, qu’il la reconduirait, et il fut satisfait, car jamais autant que ce soir il ne s’était senti emporté orageusement vers elle, au point de ne plus voir autre chose dans la salle que le morceau de soie rouge de son corsage, son col robuste dégagé de la robe et ses cheveux.

Alors Marceline Rhonans, les bras chargés de