Page:Yver - Les Cervelines.djvu/109

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plutôt il n’y pensa plus que par intermittences, ressaisi par les forces de la vie qui fait les êtres chacun pour soi. Une ou deux fois même l’idée lui vint fugitivement qu’Henriette n’eût pas été heureuse si, ayant épousé Jeanne, il l’eût amenée dans cette maison…

Une nuit, l’orage éclata.

Le fracas du torrent de pluie que le vent balayait par paquets sur les toits réveilla tous les sommeils dans la ville. C’était un bruit de cataclysme, et les éclairs, partant de plusieurs points du ciel alternativement, entretenaient comme une clarté perpétuelle. Dans sa petite chambre jolie, aux courtines claires, Henriette sauta du lit, et le corps moite encore, dans sa longue chemise traînante vint à la fenêtre, curieuse et angoissée en même temps des affres de cette tempête ; elle se sentait bien commettre une imprudence ; son frère lui avait dit : « Prends garde, tu as un peu de bronchite. » Mais cette menace lui était presque une douceur en lui rappelant l’ami Cécile qui avait eu d’elle, certain soir, un intérêt si délicieux. Comme elle l’avait aimé ce soir-là, ce Jean, dominée par l’étrange beauté de cette tête d’homme attirante et magnétique, toute son âme tendrement séduite par son geste de bonté !

Depuis il n’était pas revenu. « Pourquoi ? » se demandait Henriette. Et vers la ville illuminée d’éclairs violets, la flèche guidait ses yeux. La cathédrale était là, à ce point précis ; soudée à l’abside et venant en avant, la masse de l’archevêché, et devant l’archevêché, la maison de Jean dont elle fixait ainsi la place. « Oh ! grand ami