Page:Yver - Les Cervelines.djvu/111

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que chose de tiède, un râle fluide qui pesait en sa gorge. Elle eut la sensation bizarre que son cœur saignait, et l’affaire lui parut amusante, car elle avait un fonds d’extrême gaîté. Dans le noir, elle s’essuya les lèvres sans songer, et quand vint une lueur immense d’éclair qui s’attarda dans la chambre, montrant les recoins, le marbre blanc de la cheminée, la pendulette d’or, les chaises, les indiennes Watteau des courtines, elle vit aussi le mouchoir aux larges taches rouges.

— Du sang ! pleura-t-elle, du sang !

Elle se sentit perdue.

La peur de mourir l’envahit, et le sens de la mort, la chose que l’on conçoit si mal dans la santé, fut si vif en elle, que tout son pauvre corps tremblait comme dans une agonie prématurée. L’inconnu de la mort ! Le noir de la mort ! Le supplice de la mort ! Elle en creusa le mystère stérilement, sans pouvoir en retirer rien que plus d’épouvante devant la douleur du dernier soupir. Les idées religieuses ne s’éveillèrent en elle que pour la torturer de doute. Le monde spirituel auquel elle voulait se raccrocher s’échappait d’elle, fuyait comme un mirage devant la réalité brutale de sa détresse. Dieu ? Qui l’avait vu ?…

Et le sang tiède montait toujours à sa bouche, goutte à goutte.

Un coup vif retentit à sa porte. Elle reconnut la main de Paul qui s’était levé en songeant à elle :

— N’as-tu pas peur, ma petite Henriette ? disait-il.

Et elle se mit à le supplier de venir, la voix tout altérée de larmes :