Page:Yver - Les Cervelines.djvu/119

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Au même instant, la porte s’ouvrit et une infirmière entra. Le chef de service et son interne étaient, sans le savoir, très espionnés dans leurs rapports par le personnel des salles qui rôdait sans cesse autour d’eux, dans une avidité de certaines choses dont ces gens sont friands et qu’ils devinent. Cette femme venait sous le prétexte de nettoyer la salle ; elle feignit la surprise en apercevant le docteur et Jeanne, et se retira en s’excusant. Elle les avait vus debout l’un devant l’autre, à la minute même où Paul s’était rapproché de l’étudiante, dans l’imprécise supplication qui était dans tout son être. Le secret de leur colloque trahi serait connu dans tout l’hôpital ; mais Tisserel se réjouit intérieurement de ces invisibles liens que les interprétations malignes broderaient entre eux. Il se sentait désormais attaché à l’étrangère qu’était pour lui Jeanne, par une espèce d’union amoureuse accréditée dans les imaginations autour d’eux.

La visite fut passée selon l’ordinaire. Paul était triste et Me Bœrk dédaigneuse. Cependant, quand le docteur eut quitté le service, elle se hâta de revenir dans sa chambre. C’était quotidiennement son heure la meilleure pour le travail. Tout souci de sa salle écarté, elle se plongeait jusqu’au déjeuner dans une étude si recueillie que ses camarades, bien au courant de cette manie, ne seraient jamais venus, sous nul prétexte, la déranger. Mais ce jour-là elle ôta sa blouse, prit son chapeau au lieu de son Laënnec, ajusta des deux mains, longuement, devant la glace, la moulure pleine de son corsage, et sortit pour se rendre chez Henriette Tisserel, car ceux