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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/122

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— Je vous aime tant à l’avance, mademoiselle Bœrk !

Jeanne, plus gênée qu’heureuse devant cette expansion d’enfant affectueuse, était fort embarrassée d’y répondre. Elle se laissait embrasser, en cachant dans le frêle visage de la malade l’épanouissement de son sourire étonné, pendant que Tisserel, muet, suivait la scène.

À la fin, elle se dégagea, trouvant pour toute formule de circonstance des mots comme : « Ne vous fatiguez pas, ne remuez pas trop. » Pourtant, elle avait goûté une douceur inconsciente pendant le temps qu’elle avait passé serrée dans ces bras aimants ; une douceur qu’elle avait laissé fuir, sans savoir, car il est une éducation de la tendresse faute de laquelle on ignore comment jouir de son cœur. Maintenant encore, en se dégantant devant le lit, elle demeurait surprise, regardant complaisamment cette vision nouvelle de malade élégante, le cou fin et long parmi les dentelles, l’aristocratie même de l’abandon au lit. Et elle se sentait attachée à Henriette par un intérêt secret.

— Je vais vous ausculter, mademoiselle.

Le canotier ôté, laissant nus ses beaux cheveux, débarrassée de la demi-excentricité de la cape blonde retombée en masse sur une chaise, elle se pencha sur Henriette, elle posa son oreille, sa petite oreille coquette et mignonne dans la joue grasse sur le cœur d’Henriette, et elle n’en comprit pas les mouvements précipités. Droit et impassible au pied du lit, Tisserel les regardait toutes deux, et il voyait les yeux d’Henriette, im-