Page:Yver - Les Cervelines.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il avait été ce soir-là, — un peu exalté par la chaleur excitante, et aussi sous l’influence de cette ovation qu’il venait d’entendre, — il avait été, près de Marceline, tout différent de son aspect ordinaire, flatteur à l’excès et parleur intrépide. « On voit bien que vous savez tout, lui disait-il en remontant la vaste rue Jeanne-d’Arc, bleuâtre, vide et sonore dans la nuit ; mais ce n’est pas cela qu’on admire en vous, car d’un livre on apprendrait aussi ; mais c’est le quelque chose de génial que vous mettez à l’exprimer ; vous n’êtes pas une savante, vous êtes une artiste. » Positivement, à cette minute son enthousiasme débordait. Et comme on passait alors sous la tombée drue et violente d’un jet de lumière électrique, venue des hauts lampadaires, elle tourna vers lui son visage qui souriait : « C’est la vision finale du costume qui donnait cette illusion », prononça-t-elle, très simple. Et il eut l’impression, en recevant d’un coup tout le regard de ses yeux, qu’il venait d’apercevoir l’abîme d’une âme.

Depuis il s’était repris et se jugeait même un peu ridicule pour s’être, à son âge, livré comme un lycéen ou quelque vieux radoteur galant à cette débauche de louanges envers une femme qu’il pouvait être appelé à revoir. Marceline avait raison ; c’était l’illusion du mannequin habillé qui avait fait l’ivresse de la salle. « Un mannequin habillé, c’est un peu ce qu’elles sont », se répétait-il dans sa marotte contre ces créatures cérébrales qu’il exécrait. Mais il se disait aussi que celle-là ne ressemblait ni à Eugénie Lebrun, ni à l’interne de Tisserel.

Peu de jours après, il reçut la réponse de