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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/131

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être au milieu de sa cour d’amis. Et il n’éprouva rien, absolument rien.

Ponard seul connaissait cette singulière histoire d’amour. Jean ne l’avait contée à personne à Briois, pas même à ses parents, pas même à Tisserel. Il ne le dirait pas à cette petite fille qui allait être, si tout s’arrangeait, sa femme. Et le secret lui devenait lourd, maintenant qu’il n’y trouvait plus aucun délice ; il aurait voulu en causer avec quelqu’un de très intelligent, de très fin, qui se serait intéressé à cette curiosité psychologique, qui aurait pris plaisir à l’entendre raconter, une femme amie.

À son arrivée, le grand chirurgien, qui avait le matin réussi une grosse affaire d’opération et se trouvait d’humeur enchantée, lui fit fête comme à un fils. Il était pressé et lui dit à peu près :

— Vous avez bien raison de vouloir vous marier ; c’est bon pour la clientèle. Notre petite amie a vingt ans ; c’est la fille d’un confrère, Bassaing ; vous savez bien, Bassaing qui refait les nez. La petite vous a vu quelque part et vous lui plaisez tout à fait ; elle l’avait dit à sa mère ; aussi ai-je sauté sur l’aubaine. Venez dîner demain avec nous ; c’est mardi, elle y sera. Voici sa photo ; elle n’y est pas flattée ; elle a des cheveux blonds et onduleux, et des yeux délicats de myope qui sont mal venus au virage. Ce sont des gens riches.

Cécile se saisit de la photographie et la regarda sans rien dire, longtemps. Blanche Bassaing ne lui plaisait guère. Il avait beau se représenter que les yeux délicats de myope étaient mal venus au virage, il se disait : « Si elle avait été en état de se