Page:Yver - Les Cervelines.djvu/132

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marier, j’aurais encore mieux aimé la pauvre petite Tisserel que je n’aime pas. »

Mais elle lui fut d’un effet très agréable le lendemain, quand il arriva pour le gala de présentation et que, sous la lumière blanche des bougies, très éclairée, il la vit avant toute autre figure. Les cheveux d’un blond gris et terne étaient comme poudrés ; ses yeux, sans grande intelligence, n’exprimaient rien, mais elle avait un profil pur, et des narines délicieuses, ce qui rappela plaisamment à Cécile le mot de Ponard : « Vous savez bien, Bassaing, qui refait les nez. » Elle était en gris perle avec du satin argent étincelant le long de sa robe et autour du col très haut, comme des garnitures de métal.

À l’arrivée de Jean, elle pâlit sans le regarder. Le père et la mère étaient là. Ils affectaient de causer avec animation. Il y avait dans cette présentation quelque chose de traditionnel et d’éternel. Le dîner fut stupide. Ponard lui-même, qui était à certaines heures plein d’esprit, se trouvait, pour parler, gêné par mille entraves ; le futur beau-père n’osait questionner Cécile sur Briois, craignant de trop s’avancer par ce semblant d’intérêt à la ville. La silencieuse petite Blanche, placée auprès de Jean, répondait seulement à ses questions d’une voix délicate et hâtée, et comme elle mangeait à peine, en abaissant son regard, il voyait sur le rebord satiné de la nappe se poser sa main courte, grassette et rose. Il regardait déjà ce petit être si obscur comme étant à lui, à la manière des objets qu’on est sur le point d’acquérir, et il se répétait : « Elle est bien, vraiment, elle est très bien. »