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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/133

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Après le dîner quand on fut passé au salon, madame Ponard envoya la jeune fille au piano. L’instrument se trouvait dans une sorte d’alcôve ouverte, décorée de fleurs, de plantes vertes et de baies à vitraux. On invita Cécile à lui tenir compagnie, et on les laissa là, ensemble. Alors la petite Parisienne, savante en musique, laissa voir un peu de son âme dans ce langage passionné du piano. Les mains courtes et molles, raidies sur le clavier, y frappaient des accords puissants ; elles y faisaient courir, vertigineusement enlacées et agiles, des guirlandes, des farandoles d’harmonie ; puis sur vinrent les pianissimos attendris ; elle tira des entrailles du meuble des sons de velours, des murmures, en bruit de chuchotement, et à ce moment, quittant des yeux sa musique qu’elle suivait obstinément, elle se tourna et fit à Jean un joli sourire.

Ce fut la décisive étincelle. Pour la première fois Cécile pensa qu’il ferait bon tenir dans ses bras cette jeune vie et lui rendre l’amour offert. Cet aveu combiné de la musique et des prunelles vacillantes qui lui avaient ri, quelle chose franche et exquise ! Il lui dit sans aucun vocatif :

— Je n’ai jamais entendu personne jouer comme vous.

Elle répondit :

— Vous souvenez-vous un soir de l’année dernière, vous achetiez au Louvre des cravates ; madame Ponard et une amie vous ont rencontré ! Il y avait un orage terrible. Les dames vous ont proposé leur voiture pour rentrer dîner ici. L’amie emmitouflée d’un caoutchouc, cachée sous une