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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/135

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teignit et il eut envie de pleurer aussi, à peine, du bord de la paupière, à la pensée de ne l’avoir pas. Peu à peu, il s’exaspéra à se rappeler ses cheveux abondants et légers, qui faisaient à la lumière des torsades argentées, son regard vacillant de myope qui filtrait sous les cils blonds, ses petites narines roses, l’élégance de sa robe, à laquelle la finesse de son corps donnait sa forme. Imaginairement, elle avait été un soir sa fiancée, il y avait eu entre eux de silencieuses, de tacites accordailles, une espèce d’offrande mutuelle. Et on la lui refusait ! Il l’avait fugitivement aimée à la seconde où elle lui avait souri, et il rappelait âprement cette seconde, ce sourire et cet amour. Le père la lui refusait ! De quel droit ? Et l’offense arrivait enfin jusqu’à son orgueil. Il avait déplu au père, non point par défaut d’argent, de quoi le docteur Bassaing était averti à l’avance, mais par ce qui lui avait manqué aux yeux d’Eugénie Lebrun, par le fait d’être un individu nul et peu remarquable, de n’être pas quelqu’un. Il se sentit abreuvé de honte.

Revoir Ponard, pour le remercier seulement, car il refusa le repas, lui fut une humiliation atroce. L’homme célèbre prenait la chose légèrement, il en plaisanta ; mais Cécile était affreusement blessé. Il se trouvait le rebut d’une certaine caste de gens haut placés, lui, petit médecin de province.

Il refit, à travers les campagnes, où l’œuvre sournoise d’automne s’accentuait, un voyage cruel. Dès cinq heures, une brume envahit les lointains, et par la portière il venait un air frais et vif qui donnait faim, qui donnait envie d’une