Page:Yver - Les Cervelines.djvu/137

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VIII

Marceline Rhonans, après avoir passé dans le Midi, près de ses parents, les deux mois de liberté que lui accordait l’Université, reprenait sereinement possession de sa solitude. Quand la jeune servante qui l’avait accompagnée eut aéré, chauffé, éclairé la petite maison du boulevard, avant que des malles fussent encore défaites, Marceline ouvrit instinctivement la porte de sa chambre de travail, comme si là eût été le véritable foyer de sa demeure. Les étagères de sapin où couraient ses livres faisaient autour de sa pensée des barrières armées ; le buste de son maître, Michelet, y laissait emprisonnée une âme flottante ; sa table, sa plume et ses papiers étaient des choses familières, participant presque de sa personne. Sa vie était ici, et son seul plaisir, quoiqu’elle eût versé bien des larmes lorsqu’à la grande gare méridionale, là-bas monsieur et madame de Rhonans l’avaient une dernière fois serrée dans leurs bras. Et elle pensait à cela en se disant :

« Tout être a une capacité de bonheur particulière. On n’a du bonheur que ce qu’on en prend ;