Page:Yver - Les Cervelines.djvu/139

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— Que veut donc dire au juste ce grand-père ? se demandait Marceline, plus touchée encore qu’amusée.

Une autre lettre, qui était évidemment conçue sous l’action d’humanités récentes, prenait le genre de pasticher l’antique.

« Imagine, Divine, sur la pente de l’Aventin, une maison dont l’atrium regarde le temple de Jupiter Capitolin ; dans cette maison, un citoyen de la ville dont la tunique se noue sur une épaule robuste, et dans ce citoyen une âme qui n’admire que toi. Ton nom vient des dieux, prêtresse de Clio, et les oracles qui volent sur tes très nobles lèvres n’ont pas été jusqu’ici entendus ».

Elle riait et cherchait en souvenir, parmi les éphèbes dont tout un clan visiblement enthousiaste d’elle suivait assidûment ses conférences, lequel pouvait s’être permis, par ce stratagème honnête et tout littéraire, le plaisir de la tutoyer en écrivant. « L’Aventin, se disait-elle, c’est la côte de Bois-Thorel, et le temple de Jupiter Capitolin ne peut correspondre qu’à la cathédrale ; mais tout cela reste une indication bien vague pour découvrir mon citoyen. »

Une troisième lettre exigeait une réponse, poste restante, avec un chiffre donné ; une autre semblait venir d’une femme. Une espèce de vanité coquette prenait Marceline à les relire. Elle savait bien qu’on n’eût pas admiré sa science dans ces termes, sans sa jeunesse et son charme. On était amoureux d’elle. Des inconnus, des anonymes, presque des ombres. Et ces êtres, dans leur mystère, elle les savait vivre à Briois, près d’elle ; c’était ce visage qu’elle croiserait demain dans la