Page:Yver - Les Cervelines.djvu/151

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qu’ils emplirent de leurs rires et de la gravité creuse et muante de leurs voix d’adolescents. Après, ce furent les petites lycéennes de quinze ans, une vingtaine, jolis types de fillettes qui se faisaient au cou des espèces de chignons et qui arrivaient les mains ballantes aux hanches, l’air sérieux.

Il y avait dans le fond une porte brune surmontée d’une horloge. C’était par cette porte qu’entrait le maître. Cécile y avait les yeux invinciblement rivés. Cinq minutes devaient encore s’écouler, puis trois, puis deux avant que cette porte s’ouvrit, et, sans qu’il s’en doutât, ces minutes où il attendait, dans une espèce de fièvre nerveuse, la venue d’une femme presque inconnue encore, furent sur toute sa vie influentes et décisives. Elles préparèrent en lui, par leur lenteur d’attente, exaspérante, de secrètes opérations de sensibilité. Et ses yeux fixés à cette porte en vinrent à tant désirer de la voir s’ouvrir, qu’il croyait en sentir vibrer les moulures, comme si quelque main gantée la poussait doucement, derrière.

Tout le monde — la salle était pleine — regardait aussi cette petite porte brune. À l’horloge, l’heure sonna, laissant un bourdonnement profond dans le silence qui se fit. La porte ne s’ouvrit pas. Il y eut des chuchotements bas. Cécile eut un battement de cœur sans que l’idée l’effleurât de se railler lui-même. D’idées, il n’en avait pas d’autres que celle de la mystérieuse personne qui devait apparaître là, par cette porte, dans une seconde. Rien ne lui semblait plus désirable que cette entrée de Marceline. Les lustres étaient allumés ; l’amphithéâtre baignait dans la lumière : et