Page:Yver - Les Cervelines.djvu/155

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d’artisans, briquetés ou terreux dans le blanc des draps. La visite de ces savants de Paris les honora ; et aussitôt, ils jetèrent les yeux sur les deux jeunes hommes en blouse blanche qui suivaient. Il se fit entre l’un et l’autre, parmi les lits, une élection mentale. Cécile, malgré la blouse, avait, avec sa cravate coquette, son haut col à la mode, quelque chose qui leur sembla efféminé et parisien. Gérey était un grand blond, à la barbiche pointue, dont les yeux se promenaient, sans grande expression, d’un lit à l’autre, pour revenir chercher, de temps en temps, le regard ami du docteur Delval, son ancien maître. Celui-là leur parut plus « comme il faut » et les séduisit par sa dissemblance avec Cécile. Chacun formulait à peu près : « J’aimerais bien mieux ce grand jeune homme à l’air si doux, que cette espèce de petit excentrique. »

Cécile avait de réussir une indicible passion, et bien qu’il fût à peu près sûr de lui, qu’une longue continuité de succès dans tous ses examens lui fût une garantie, que Tisserel et tous ses amis lui eussent affirmé d’avance : « Tu es nommé, » la violence de son désir lui causait une peur. C’était à cause de Marceline. Il croyait qu’à ses yeux, chef de service à l’hôpital, il fût devenu un autre être. Toutes ses ambitions se réduisaient maintenant à ce titre, à tel point que dans la ville, au milieu de ses courses, si par la trouée d’une rue lui arrivait d’apercevoir le campanile maigre de l’Hôtel-Dieu, perché sur son grand toit, au fond de la cour des sycomores, il sentait tout un mouvement physique d’envie, comme un enfant devant un jouet.

On découvrit le premier lit sur un corps informe