Page:Yver - Les Cervelines.djvu/156

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dans les ouates qui l’enveloppaient ; on aurait dit une statue brisée, précieusement entourée de coton, et c’est bien un peu là ce qui était : un accident horrible, un couvreur tombé d’un quatrième étage, fractures des chevilles, des genoux, du bassin, un homme en débris, à demi mort, blême dans la creux du matelas. Cécile fut appelé à parler le premier. Dans le service de Ponard à Lariboisière, il avait eu un cas analogue. Il fit du traitement des réductions sans appareil, une thèse solide, animée d’enthousiasme, quand sous les pansements ôtés, membre par membre apparut le corps en voie de guérison. Les trois vieux docteurs l’écoutaient, pesaient ses termes, hochaient la tête, palpaient de leurs mains blanches, épaissies de graisse, les flancs, les hanches du patient qui tressaillait. Derrière eux, Gérey tendait le cou, démesurément, pour voir. Un peu plus loin, la jeune religieuse du service, dans sa bure blanche, rêvait ; ses yeux mystiques, faits aux nudités et aux souffrances de la chair, en distillaient le sens spirituel. Dans le fond de la salle, des infirmiers en bleu faisaient des pronostics sur le concours. L’un disait : « Le petit médecin est bien gentil. »

Une inquiétude commença de naître en Cécile : on ne lui adressa pas un compliment sur sa théorie, qu’il avait sentie, en parlant, belle et puissante.

Le docteur Gérey dut s’expliquer, au lit suivant, sur une extraction de balle. Il resta court deux ou trois fois, et le docteur Delval l’aidait d’un mot. Le docteur M. de l’Institut, lui adressait alors un regard d’encouragement avec un certain mouvement de tête que Jean surprit, et