Page:Yver - Les Cervelines.djvu/166

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ne s’étaient rencontrés dans un tel silence, une solitude et une intimité pareilles. Par la fenêtre à petits carreaux, on apercevait, de l’autre côté de la cour, la salle des fiévreux que traversait lentement la sœur de garde faisant sa ronde de nuit. En bas, les chants et les rires ne faisaient plus qu’une seule rumeur.

— Oui, continua-t-elle, j’en ai assez de cette vie ridicule qu’ils me font. Ils sont embusqués derrière chaque heure de ma journée pour m’offrir quelque stupidité de leur goût. C’est de la lâcheté. Ils abusent de ce que je ne peux les mettre à la raison à l’aide du coup de poing. Si je les dépasse dans mes études, ils n’ont qu’à travailler comme moi ; si c’est un crime de travailler quand on est femme…

— Mademoiselle Bœrk !… interrompit Tisserel, timidement.

— J’ai tout pris en philosophe jusqu’ici ; mais ce soir, ils ont dépassé les bornes. C’est Captal d’Ouglas qui a tout mené ; le coup de la sauce était monté d’avance, j’en suis sûre ; quant à d’Ouglas, c’est un voleur, ni plus ni moins ; il m’a volé mon collier, volé, sous une forme de galanterie bête ; il me l’a détaché du cou et n’a plus voulu me le rendre. C’est pour pouvoir le montrer en ville et dire : « Voyez ce que mademoiselle Bœrk m’a donné ! »

— Pourquoi, mais pourquoi ne m’avez-vous pas appelé ?

— L’aventure était trop sotte pour que j’y mêle tout le réfectoire.

— Pas tout le réfectoire, mais moi ! Doutez-vous que je sois dans l’hôpital l’ami le plus respectueux,