Page:Yver - Les Cervelines.djvu/179

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— Je le menacerai de renvoi.

— La persécution continuera plus sourdement, mais de plus belle, car il se vengera sur mademoiselle Bœrk de l’humiliation subie.

— Alors, quoi ? que faudrait-il à votre sens ?

— Le renvoi ; le renvoi immédiat.

— Oh ! oh ! pensez-vous que la chose vaille…

Alors Tisserel s’emporta ; sa chaleur et son franc-parler lui revinrent. Il expliqua le sens de méchanceté profonde que cachait l’artifice de d’Ouglas, le ridicule et même le doute qu’il avait cherché à répandre sur la réputation de la jeune fille, l’inconcevable irrespect qui en autoriserait d’autres plus sérieux encore. Il peignit Jeanne grave et travailleuse, poursuivant durement sa carrière, sous les railleries et l’hostilité de cette bande d’hommes dont personne ne s’occupait à la protéger. Son attendrissement lui suggérait çà et là un terme exquis ; sans qu’il l’eût dit, il ressortait de son discours qu’elle était souverainement belle et respectable, et ses méchants camarades, autant de monstres.

— Sa vie est devenue intolérable, monsieur le directeur, je lui en ai arraché l’aveu ; elle n’y peut plus tenir. Personnellement, comme son chef de service, j’ai un devoir à remplir près d’elle ; songez qu’elle a vingt ans, qu’elle est seule, seule parmi tant d’ennemis. Eh bien ! s’il me l’était permis, j’exigerais, moi, qu’à titre d’exemple et à titre de punition, Captal d’Ouglas quittât l’hôpital.

Le père Le Hêtrais paraissait fort ébranlé. Tisserel trouva le moment bon pour ajouter :

— Ce jeune homme est un des plus indisciplinés de l’École, il est de ceux qui ont mené le plus