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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/181

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venue le lieu charmant des rendez-vous que l’homme meuble de tant de poésie. Aujourd’hui lui semblait le jour béni, celui qu’il attendait depuis tant de mois pour entrer enfin dans la vie cachée du cœur de Jeanne, pour recevoir d’elle la première offrande affectueuse de sa reconnaissance, le cadeau suprême d’une émotion. Comme il allait à elle, et qu’elle tendait la main négligemment, en continuant de parler à la sœur, il prêta à ses traits quelque chose de nouveau, une expression de bonne amitié née des confidences de la veille. Il murmura :

— J’aurai un mot à vous dire après la visite.

Que cette visite alors lui parut interminable ; Il en épiait la fin dans une langueur agréable d’attente, auprès de celle-là même qu’il attendait. Il était délicieux d’être ainsi à la porte du bonheur, presque certain de la voir s’ouvrir. Il était, en parlant, ému et tremblant ; il expédia les auscultations, enleva lui-même, d’une main preste, la besogne des pointes de feu chez une malade récalcitrante, consulta à la volée vingt-huit feuilles de température, donna treize ordonnances, répéta aux externes ce qu’il leur avait dit les jours précédents, et de lit en lit, souriant des yeux derrière le lorgnon en disant les choses médicales les plus désespérantes, il regagna la porte d’arrivée.

Alors, il demanda d’un signe à Jeanne de le suivre.

— Vous allez être contente, lui dit-il, en la faisant asseoir à sa table à écrire dans le petit bureau de la salle d’opération, tandis qu’il restait debout