Page:Yver - Les Cervelines.djvu/182

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devant elle ; vous allez être contente, je pense, mademoiselle Bœrk.

Il ne souriait plus, ses yeux exprimaient une béatitude et Jeanne, en gaîté ce matin, s’amusait secrètement de lire sur cette face d’homme qui brûlait de supplication, d’adoration muette, d’extase, les choses mêmes qu’il s’efforçait de taire. Elle se renversa au dossier de la chaise, croisa les jambes, et, les deux mains nouées à son genou, demanda :

— De qui vais-je être contente, docteur ?

— De votre serviteur, prononça-t-il, très intimidé.

— Mais j’ai toujours été contente de vous, il me semble, fit-elle en riant.

— Hier soir, reprit-il, en essuyant, comme contenance, le verre de son lorgnon, ce que vous m’avez dit m’a bouleversé. J’ai compris, comme je ne l’avais pas fait encore, la difficulté de votre condition, et ce que vous avez silencieusement enduré depuis que vous appartenez à l’hôpital. J’en ai souffert cruellement, toute la nuit, toute la nuit… et je n’ai plus eu d’autre idée que de mettre fin à ce qui existe. Pour vous éviter le moindre ennui, je voudrais…

Il pensa qu’en toute vérité, pour cette raison-là il donnerait réellement sa vie, mais il s’abstint de le dire, trouvant la phrase ridicule.

— Docteur, je vous assure… commença Jeanne.

Il reprit sans l’entendre :

— Je ne puis supporter de vous voir malheureuse.

Elle se récria :

— Mais je ne suis pas malheureuse ! docteur.