Page:Yver - Les Cervelines.djvu/187

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moi d’avoir insisté à ce point pour vous voir. Il était urgent que je vous parle. Il s’agit de personnes que vous et moi, chacun de notre côté, affectionnons, et je vous devinais, sans savoir, prête à vous rendre utile à leur bonheur ; c’est ce qui a autorisé mon indiscrète attente.

— Je suis enchantée de vous voir, monsieur, répartit Marceline qui parlait avec la plus grande sincérité, éprouvant vers Cécile un double mouvement de sympathie et d’estime, et je suis heureuse que vous ayez bien voulu m’attendre.

Elle se croyait très inconnue de lui, ignorant que, sans jamais y manquer, deux fois la semaine, à l’Hôtel des Sciences, tant que durait sa conférence, il se dissimulait dans un coin de l’amphithéâtre pour l’observer, l’épier, la regarder, se pénétrer de sa mystérieuse personne.

Elle le fit se rapprocher du feu, lui donna le fauteuil le plus commode. Au même instant, un orage éclata, dont on entendait l’averse fouetter les vitres ; dans le creux lointain de la cheminée, une rafale s’engouffra et gémit. On devinait, au dehors, dans les arbres battus de pluie, le frisson et la détresse de l’hiver. Marceline fit tomber la draperie des rideaux, comme pour mieux enclore le salon tiède, pour l’envelopper, l’enfermer davantage. Au foyer, de grandes flammes jaillirent du bois ; la lueur en vint s’arrêter à la soie orange du piano. La pendule aux quatre cariatides battait doucement. Son chapeau noir ôté, Marceline s’assit devant Jean et l’écouta.

Il dit :

— Mademoiselle Bœrk est votre amie ?

— La meilleure des amies, monsieur.