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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/190

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monde. C’était avec elle la clé d’une liaison d’amitié ou d’amour, selon les tendances qui, plus tard s’éveilleraient en eux ; c’était rassasier l’inexprimable attirance qu’exerçait sur lui la plus singulière femme qu’il eût vue. Chose bizarre, il ne retrouvait plus dans ce petit salon, plein d’imprécises béatitudes, l’éblouissement que Marceline provoquait en lui à l’amphithéâtre. Elle redevenait une créature ordinaire, tranquille et amicale, et qu’il éprouvait un étrange besoin de dominer et de malmener.

— Vous voulez dire : elle n’a pas de cœur ! lança-t-il avec une intention bien réfléchie de la blesser.

— Oh ! s’écria Marceline indignée, Jeanne qui est si bonne !

Et aussitôt, voyant combien il l’avait chagrinée, Cécile se repentit.

— Pardonnez-moi, lui dit-il, pardonnez-moi ; je suis un peu exaspéré d’avoir vu ce que la froideur et l’indifférence de votre amie ont fait de mal à Tisserel, et je me sens très disposé à dire des injustices. Ce n’est pas pour cela que je suis venu. Voyons, mademoiselle, est-ce qu’au lieu de défendre opiniâtrement mademoiselle Bœrk, — qui a eu, vous avouerez bien, quelques torts, et dont la main fut au moins un peu lourde, — vous ne pourriez pas faire avec moi une espèce de petit pacte, me promettre de prendre contre elle le parti d’un homme qui n’a pas, je vous le certifie, d’autre défaut que de l’aimer, de l’aimer ingénument, puérilement, comme un enfant de dix-huit ans, et si fort qu’il en souffre, qu’il en souffrira toute sa vie.