Page:Yver - Les Cervelines.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

J’irai la trouver, je vous le promets, je plaiderai pour votre ami.

— C’était pour cela que j’étais venu. Je savais que vous feriez cette bonne action. Il y a quelque chose de triste à voir séparés ces deux cœurs, nos amis, dont l’harmonie ferait le bonheur. Imaginez qu’elle a été terriblement dure pour Tisserel. Le malheureux venait de se mettre en quatre pour elle, il arrivait triomphant lui apprendre comment il faisait chasser de l’hôpital un camarade coupable d’une peccadille envers elle, puis, comme je le suppose, naïf et entraîné ainsi qu’il est toujours, il aura, dans le feu de sa victoire, parlé trop clairement de ce qui l’étouffe, de ce qui le tue. Alors, m’a-t-il dit, — et c’est ce qui m’a paru d’elle méchant et révoltant, — elle a ri ! elle s’est moquée de lui ! elle s’est fâchée de son zèle, et pour le dévouement d’affection aveugle dont il faisait l’aveu, elle a affecté de ne pas l’entendre.

Cécile fit une pause, puis regardant de nouveau Marceline comme il l’avait déjà regardée tout à l’heure, il lui posa cette question :

— Croyez-vous mademoiselle, qu’une femme ait le droit de rire de l’amour d’un homme ?

— Jamais de la vie ! s’écria vivement Marceline qui tisonnait, à mille lieues de soupçonner ce que cette réponse faisait naître soudain de bienêtre et de paix dans l’âme de son visiteur.

Elle lui dit quand il partit :

— Revenez dans deux jours.

Au dehors, les longs sifflements du vent continuaient, le froid s’infiltrait par le fin bord des vitres aux fenêtres. Et, seule dans le petit salon, Marceline eut l’impression que l’hiver lugubre et