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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/198

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vous, comme un dévot au culte de son idole. Il serait venu vous prendre un soir, songez à cela, un soir mystérieux, février ou septembre, le printemps ou l’automne, tremblant, silencieux ; je le vois dans la voiture qui vous emporte, si religieux de vous, si absorbé en vous qu’il ne peut parler, et vous à la fin, vous laissant aimer, touchée par cet homme qui vous aura suggéré sans rien dire l’art de s’oublier, de se sacrifier par tendresse.

Jeanne, qui avait laissé jusqu’au bout s’écouler ce discours lent et hésitant de son amie, s’écria tranquillement au point final :

— Ah ! ça, Marceline, êtes-vous folle ?

— Pourquoi folle ? parce que je dis des choses que vous ne comprenez pas ?

— Parce que vous dites des choses ridicules auxquelles vous ne m’aviez pas habituée. Comment, ma chère, vous en êtes encore là ! ces histoires d’amants, d’enlèvements, de baisers dans les fiacres, la nuit, les conquêtes de cœur, avec la chute éplorée dans les bras du bien-aimé pour finir, cela vous fait toujours de l’effet, dites ? Savez-vous pourtant ce qu’il y a au fond de toutes ces machines-là quand on y réfléchit ?

— Vous réfléchissez trop, vous, Jeanne, fit Marceline sous ce choc à son élan.

— Trop ? on ne réfléchit jamais assez, et vous le savez bien.

— Ou bien vous réfléchissez mal. Vous n’avez pas calculé, je suis sûre, l’utilité dont peut être parfois dans la vie d’une femme un mari.

— Dites-moi, Marceline, le docteur Tisserel vous a-t-il chargée de me demander pour lui ? Car vrai-