Page:Yver - Les Cervelines.djvu/199

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ment cela tourne à la proposition de mariage. L’affaire serait amusante.

— Ce que je vous dis là, je vous le dis de moi-même parce que je le pense, reprit adroitement mademoiselle Rhonans. Votre condition d’exception est difficile. Votre réputation, qui vous est nécessaire pour réussir dans la clientèle, est une flamme exposée à mille vents. Voyez : déjà, votre aventure avec cet interne aurait pu se répandre autour de vous d’une manière fâcheuse sans l’intervention de votre bienfaisant Tisserel. Quoi que vous en disiez, ma chère, il vous a tirée là d’un mauvais pas. Je n’aurais pas été tranquille de savoir votre collier dans les mains de ce garçon. Briois, qui est malveillant, aurait vite connu l’histoire et ne l’aurait pas prise en bonne part. Vous êtes maintenant au milieu d’étudiants qui vous jalousent pour vos concours ; une fois docteur, vous aurez autour de vous, soit que vous demeuriez ici, soit que vous exerciez à Paris, des médecins, et si ces messieurs ne s’amusent pas à répandre sur la soie de votre corsage la sauce du rôti, ils pourraient verser sur celle de votre renommée quelque chose de plus corrosif. Après les jalousies puériles d’ici, vous trouverez l’envie. Il me semble que ce serait très bon d’avoir près de vous un homme… votre homme, comme dit bien le peuple.

— Soyez tranquille, fit Jeanne qui se mordait les lèvres d’envie de rire, mon honneur n’aura pas besoin de gardien.

Puis elle se redressa, croisa les bras, les épaules tombant un peu sur le buste noble et plein ; les paupières qu’elle avait légèrement