Page:Yver - Les Cervelines.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un surtout, celui où je suis née ; mon père et ma mère sont idéalement unis.

— Comme les miens, dit Cécile très intimement.

Ils se sentirent tous deux émus pareillement, une seconde. Cécile hasarda :

— Alors…

— Alors, reprit-elle, nullement ébranlée par cette réplique, c’est par milliers qu’il y a dans la société de ces exceptions-là, de ces mariages heureux, fondés… Au fait, savez-vous, monsieur Cécile, sur quoi sont fondés les heureux mariages ? Sur une simple harmonie d’humeur : la douceur de la femme et l’amabilité du mari, uniquement. Si l’on peut assurer cet accord des caractères entre deux êtres, il est permis de les lancer hardiment dans la vie ensemble. Mais qui pourrait répondre de ce mécanisme délicat des âmes ?

— Oui, se répétait Cécile en continuant ses courses de clientèle par la ville, qui peut répondre de ce mécanisme délicat des âmes ?

De son sourire, cette mystérieuse Rhonans avait insinué en lui le ravage du doute, du doute de l’amour cruel et démoralisant comme le doute religieux. Pensée par pensée, il perdait la foi en l’amour, et il voyait, rien qu’en songeant à Marceline, s’évanouir le sentiment délicieux qui commençait en lui pour elle.

— Je n’y retournerai pas, se dit-il, à quoi bon ?